La mondialisation du marché de l’art a débouché sur une multiplication des foires internationales, renforçant au fil des années, les interdépendances entre les différents acteurs de ce milieu. Les foires alimentent fortement l'écosystème marchand et artistique mondial. Elles jouent ainsi un rôle moteur dans le dynamisme du marché de l’art. Si ces événements semblaient jusqu’alors indispensables, la crise du COVID-19 questionne aujourd’hui l’avenir de ce modèle. L’augmentation considérable des ventes en ligne, passées de 10 % des ventes totales en 2019 à 37 % au premier semestre 2020, renforce l’espoir d’une certaine adaptation numérique. Mais elle interroge également la viabilité de la digitalisation massive d’un marché régi par le contact humain.
Il est important de comprendre les enjeux complexes de ce phénomène pour rassurer vos artistes et agir en connaissance de cause. Quel avenir pour les foires d'art contemporain en cette période d’incertitude causée par la pandémie mondiale ? La digitalisation est-elle viable sur le long terme ? Doit-on s'adapter ou réinventer un modèle qui arrive à saturation ? Décryptez avec Artsper la mutation des foires, ces emblèmes du monde de l’art.
La 22ème édition d’Art Paris, au Grand Palais, du 10 au 13 septembre 2020
Décentralisation des foires : vers une régionalisation ?
Le contexte sanitaire actuel appelle les foires d’art contemporain à diminuer leurs capacités et repenser leur politique d'accueil des visiteurs. Certaines foires, comme Art Paris initialement prévue en avril, ont finalement eu la chance d’avoir lieu. Malgré ces rares exceptions, la situation actuelle laisse penser qu’un retour à la normale est aujourd’hui illusoire. C’est pourquoi en tant que galeriste, se recentrer sur sa zone d’influence originelle est sans doute l’une des solutions les plus adéquates pour minimiser les risques tout en continuant de développer votre activité.
Des acteurs affectés inégalement
La crise actuelle n’affecte pas tous les acteurs du marché de l’art de la même façon. La notoriété des acteurs de la scène artistique influe conséquemment sur les répercussions engendrées.
D’un côté, les artistes émergents et encore peu connus, de même que les nouvelles galeries, rencontrent davantage de difficultés face à cette crise. De la même façon, les foires régionales ou de plus petite envergure, doivent déployer toutes leurs ressources pour contrebalancer les conséquences de la crise.
À l'inverse, les galeries bien établies et les artistes renommés font également face à des difficultés, mais celles-ci ont un impact moins douloureux sur leur activité, car ils disposent de ressources plus confortables. Les foires de renommée mondiale, disposent quant à elles de moyens considérables qui leur permettent d’amortir les conséquences financières. Elles ont été nombreuses à mettre en place des dispositifs de grande ampleur pour offrir aux visiteurs une édition digitale. Ainsi, ce sont les plus petites galeries, disposant de moins de ressources qui se trouvent les plus impactées par les diverses annulations et reports de foires.
Faire le choix du « pop-up »
Pour continuer à développer la visibilité de votre galerie malgré les contraintes, vous tourner vers la solution « pop-up » peut s’avérer être un choix stratégique. Plus intime et plus immersive, une pop-up galerie vous permet d’exposer vos artistes comme vous l’entendez et ce, à moindre frais.
En effet, ces galeries et expositions éphémères, qui se tiennent généralement dans des espaces inédits et non conventionnels, tendent à se démarquer de l'écosystème classique et codifié du monde de l’art. Cette nouvelle configuration de la galerie valorise « l'expérience vécue ». C’est une alternative intéressante pour les collectionneurs d’aujourd’hui, puisqu’ils peuvent examiner plus minutieusement les œuvres que vous mettez en lumière, et décider quand les acheter, à la différence des grandes foires. Cela vous permet également d’attirer un nouveau public et par conséquent de dynamiser vos visites et donc vos ventes.
Condo, l’exposition collaborative regroupant 24 galeries sur 8 espaces londoniens
La digitalisation est-elle viable sur le long terme ?
La crise sanitaire qui a frappé le monde entier en début d’année bouscule considérablement les fondations de la scène événementielle artistique. Dans ce contexte, les salles de visionnage, ventes aux enchères en ligne, expositions et foires d'art digitales s’imposent comme des moyens efficaces de contrer la crise pour les foires. Mais ce sont aussi des nouvelles opportunités pour booster les ventes de votre galerie.
En tant que galeriste, pourquoi opter pour le digital ?
Vous le savez, le passage au digital n’est plus une option. D’après l'étude menée par Arts Economics, et présentée par Art Basel et UBS, sur l'impact du COVID-19 sur le secteur des galeries, l'annulation des foires d'art aurait entraîné une baisse des ventes des galeries, fortement dépendantes de ce canal, au premier semestre de l'année 2020, chutant à 16% contre 46 % en 2019. Ainsi, nous vous conseillons de développer stratégiquement votre activité en ligne en faisant confiance à des marketplaces, dont l’activité est reconnue à l’internationale. Artsper par exemple, propose plus de 130 000 œuvres issues de galeries du monde entier.
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Des foires qui résistent au digital, c’est possible ?
Il est évident que les foires d’art contemporain ont principalement un but mercantile. Et pourtant, les échanges au sein même de ce lieu de découvertes et de rencontres, jouent également un rôle primordial. Il semble donc compliqué de penser que la virtualité et la digitalisation des foires d’art contemporain soit une solution de long terme. D’ailleurs, toutes les foires ne se tournent pas irréversiblement vers le digital. Malgré le boom du digital, l’expérience physique reste incomparable et doit être valorisée, comme le témoigne le maintien de la 22ème édition d’Art Paris en septembre dernier.
Par exemple, les « Affordable Art Fairs » ont fait le pari risqué de ne pas se ranger dans le digital et de commencer à travailler en amont sur leur prochains évènements de l’année 2021. Mais ce choix est risqué, les foires sont souvent tributaires du calendrier des lieux publics dans lesquels elles s’organisent.
Repenser un système qui arrive peut-être à saturation ?
Un décuplement excessif ?
Le nombre de foires d’art est passé de 68 en 2005 à plus de 220 en 2015. Un chiffre qui alerte Elizabeth Dee, co-fondatrice d'Independent New York, foire d'art fondée en 2010 par et pour les galeristes. Dans un article paru en 2019, elle examine le problème majeur rencontré par les foires d'art aujourd'hui. Leur multiplication engorge un marché qui ne peut supporter une telle surcharge et qui se retrouve perdu au milieu d’un amas d’événements ambivalents, tous semblables entre eux.
Aperçu de l'installation de Joan Wallace : Œuvres majeures des années 1980 à aujourd'hui, 2017, Elizabeth Dee New York
Une perte d’authenticité ?
Une des critiques faites à ces grandes foires d’art est qu’elles ne semblent plus s'intégrer dans un univers commun, intime et humain. Chaque œuvre est comme décontextualisée, elles ne se font plus écho et perdent ainsi de leur sens. La foire elle-même n’est plus qu’une somme d’œuvres n’ayant pas vraiment de lien les unes avec les autres.
Se recentrer sur l’art, est-ce la solution ?
Les collectionneurs ont besoin de prendre le temps de visualiser, comprendre et se projeter avec les œuvres d’art qui leur plaisent. Or, les nouveaux protocoles de visite les contraignent à rester pour une durée limitée sur chaque stand, ce qui vient ternir la raison même pour laquelle ces passionnés d’art aiment se rendre en ces lieux. Il est donc primordial de repenser un système qui soutient les artistes et les galeries, de façon plus viable et moins discriminante. Un système qui profitera peut-être de la crise actuelle pour éclore et permettra un maintien durable de l'écosystème artistique.
Art Basel Miami, 2019
Faire mieux avec moins ?
En conclusion, il est important de comprendre que cette pandémie questionne les limites des foires d’art contemporain et appelle à une nouvelle compréhension d’un phénomène qui arrive à saturation. Réponse souvent jugée comme évidente, bien que critiquée, la digitalisation du marché de l’art ne doit pas être perçue comme une atteinte à l'expression ou à la valeur artistique.
Mais la simple transposition des foires physiques sur internet ne suffiront pas à contrebalancer la perte d’échanges et de rencontres physiques ! Ainsi, la scène artistique d’aujourd’hui est au cœur de changements bénéfiques et cruciaux. À cheval entre le numérique et le physique, le paysage artistique donne naissance à une conception hybride de l’art qu’il faut accepter pour pouvoir rebondir. Dans ce contexte, seule une pratique intelligente et raisonnée du digital, mais aussi l’essor de solutions audacieuses, permettront de faire face à la crise...