Créer, un besoin vital ? Nous avons tous déjà ressenti le besoin d’exprimer, autrement que par la parole, de simples pensées passagères ou des inquiétudes profondément enfouies. Pour se lancer, nul besoin d’être un artiste aguerri ou de manier parfaitement une discipline artistique. La simple observation, ou plus largement la contribution artistique quelle qu’elle soit, sont des moyens d’extérioriser et de matérialiser nos affects, devenant ainsi des acteurs de notre bien-être.
Scientifiques, thérapeutes, philosophes et de nombreux professionnels avisés ont cherché à prouver ce rôle déterminant de l’art sur nos humeurs. Ainsi, ils consacrent leurs recherches à l’étude minutieuse des interdépendances entre l’art et notre santé, physique et psychique. Artsper vous dévoile aujourd’hui les résultats de ces études pour comprendre comment l’art influe favorablement sur les individus.
L'artiste Émilie Bouguereau, présente sur Artsper, en pleine création
I. Contempler pour se libérer
Les réactions psychosomatiques que l’on observe chez un individu observant une œuvre, garantissent formellement le pouvoir hautement rédempteur de l’art. En effet la vision d’une peinture, d’une sculpture ou encore d’une photographie, à l’instar d’un film ou de l’écoute d’un podcast, nous apporte une sensation de contentement voire de satisfaction de courte durée, que l’on appelle communément le plaisir. S’apparentant parfois à une explosion de sentiments et de sensations confuses, notre corps et notre esprit expérimentent alors une effervescence intérieure. C’est à ce moment qu’entre en jeu ce que l’on appelle le circuit de la récompense.
En effet, à la vue d’une œuvre qui nous plaît, l’aire tegmentale ventrale, composée d’un groupe de neurones situés en plein centre du cerveau, vient produire de la dopamine et des opiacés endogènes. Une parfaite symbiose de neurotransmetteurs et d’antidouleurs qui vient déclencher chez l’individu un sentiment de plaisir extrême. Cette réponse psychosomatique est notamment récurrente dans le champ des arts visuels comme les arts plastiques traditionnels, la photographie ou le cinéma. Des expériences scientifiques se sont penchées sur le sujet et ont observé les conséquences physiologiques qui animent un individu face à une œuvre qu’il apprécie. Le constat est éloquent ! Le stress tend à diminuer, dû à une décélération de la production de cortisol. De plus, le rythme cardiaque se tempère et les muscles se relaxent.
Saviez vous que l’art abstrait aurait une influence cognitive positive sur l’homme ? En effet, à l’opposé de l’art figuratif, l’art abstrait souligne et rend visible les déchirures du monde réel sans chercher à le représenter. L’artiste dialogue par mimétisme, avec une réalité qui lui est propre. À travers des formes et des couleurs qui font écho à ce qu’il ressent, il exprime par une dynamique personnelle, sa relation avec le réel. Laissant libre cours à notre interprétation et à nos sens, l’art abstrait nous bouleverse et nous déboussole. Nous sommes alors confus dans une masse de signes qui nous sont étrangers. Paradoxalement, s’installe ensuite un sentiment d’identification. L’abstraction nous rassure et permet à des pensées inattendues de prendre forme.
II. L’art comme facteur d’échange collectif et individuel
L’art, dès lors qu’il est exposé aux yeux de tous, tend à réunir et déclencher un échange entre les différentes personnes qui font la démarche de l’observer. Si certaines préfèrent circuler seules au sein d’un espace d’exposition, la majorité s’y rend accompagnée de proches. Une enquête menée par le Département de la politique des publics de la Direction Générale des Patrimoines, s’interroge sur la proportion de visiteurs dans l’ensemble des musées nationaux de France. Intitulée « À l’écoute des visiteurs », l’étude confirme que plus de 50% des visiteurs d’une exposition choisissent de s’y rendre entre pairs. Tandis qu’environ 35% optent pour une visite en famille, seuls les 15% restants correspondent aux visites solitaires.
On constate, en lisant le taux important de visites à plusieurs, une certaine volonté de partager un vécu, de dialoguer sur la pluralité de nos interprétations. Se rendre à une exposition est une façon de rechercher du contact humain. C’est l’occasion de comparer nos réactions, mais aussi de saisir ce que l’on recherche (l'apaisement, la surprise, la passion, la beauté, la spiritualité…). Les musées des beaux-arts, de société et de civilisation ou les musées d’architecture et d’arts décoratifs, comprennent davantage de visites solitaires ou entre adultes (respectivement de 20 à 25% et de 63 à 68%). D’un côté, l’art réunit les gens, les enveloppe dans une dynamique d’échange et de compréhension commune. D’un autre côté, c’est un réel tremplin identitaire, qui offre aux visiteurs solitaires une introspection silencieuse, une expérimentation de leur liberté éphémère.
JR, Inside Out Project au Palais de Tokyo à Paris, 2013
III. L’art influe sur le comportement humain
L’art comme catharsis
Du grec ancien, « purification », la catharsis est, selon Aristote, la purification de l’âme. Cette délivrance se produit sur chaque spectateur lors d’une représentation dramatique. Plus communément, ce terme définit toute méthode thérapeutique, qui provoque chez le sujet une situation de crise émotionnelle telle, qu’elle suffit à provoquer d’elle-même une solution du problème.
Véritable exutoire, l’art fait partie intégrante de la catharsis. Sigmund Freud invente le concept psychanalytique de « la sublimation » pour représenter cette forme annexe de délivrance de l'individu par l'art. Il explique que la réalisation artistique sous toutes ses formes est un moyen pour l’artiste de transformer ses pulsions, jugées « inférieures », vers quelque chose de plus élevé moralement ou spirituellement. En travaillant sur des objets socialement valorisés, comme les œuvres d'art, l’individu reporter l'énergie de ses pulsions. Ainsi, que l’on peigne une toile de la souffrance ou de l’animosité qui nous habite, ou qu’on la noie d’empathie et d’identification, nous retirons toujours des bénéfices de ce processus d’évacuation. C’est une façon de faire le vide dans sa sphère émotionnelle.
L’art comme levier intellectuel
La durée du développement du cerveau humain après la naissance est particulièrement longue. Cette période d’immaturité et de dépendance vis à vis des adultes favorise l’apprentissage. Il est intéressant d'observer les répercussions des expositions artistiques sur le système cérébral des enfants. Par exemple, avant même que naisse un enfant, la perception régulière de notes musicales profite au bon développement du foetus. De plus, la musique et le chant calment les enfants et adultes sujets aux troubles du comportements. En venant aiguiser leur attention et leur système nerveux, ces disciplines s’imposent comme le véritable chef d’orchestre de la mémoire.
Stimuler le cerveau des enfants par diverses manifestations artistiques comme la peinture par exemple, développe et intensifie des facultés cérébrales surprenantes. Ces activités jouent sur l’attention, la mémorisation ou encore sur la représentation spatiale. De manière générale, inciter les enfants et adolescents à côtoyer et à s’exprimer par le dessin, les arts de la scène ou la musique, tend à leur conférer des automatismes d'insertion sociale, participe à l’équilibre de leur bien-être et à un certain pacifisme caractériel et comportemental.
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IV. Les propriétés curatives de l’art sur l’individu
L’art, un effet positif sur la santé
L’art peut s’avérer être un véritable moyen de guérir ou de soulager certaines pathologies physiques, neurologiques et mentales. Un rapport présenté par l’OMS, confirme justement les liens d'interdépendances positifs qui existent entre diverses activités artistiques et la santé humaine. En analysant les bienfaits apportés par les arts visuels, les arts de la scène, la culture, la littérature et les arts en ligne sur plusieurs patients atteints de différentes pathologies, le constat reste le même : l’art soigne.
L’art limite les effets secondaires
Encourager l’art dans un quotidien fragilisé par la maladie peut aider les patients à retrouver goût à la vie, au partage. C’est aussi un moyen de réveiller leur corps et d’agir cliniquement en profondeur sur leurs facultés motrices. C’est ce que l’on observe lorsque l’on introduit progressivement la danse chez les personnes atteintes de la maladie de Parkinson (maladie neurologique chronique dégénérative). Un bilan bluffant, en particulier chez les enfants : diminution du niveau d’anxiété, plus forte tolérance à lutter contre la douleur et baisse de la tension artérielle.
Faire écouter de la musique ou proposer à ses patients de participer à diverses réalisations artistiques limitent également les effets secondaires des traitements contre le cancer. Parmi eux la somnolence, le manque d’appétit, l’essoufflement et les nausées.
Art et santé mentale
Certains établissements ou acteurs de santé choisissent d’offrir à leurs patients atteints de maladie mentale ou chronique, de diabète ou souffrants de dépression, des activités artistiques. C’est une façon de compléter les protocoles thérapeutiques ou venir les renforcer. Une option retenue par l’association des médecins francophones du Canada (MFDC). Pionniers de la naissance de l’art sur ordonnance, ces médecins s’engagent depuis novembre 2018 à prescrire à leurs patients des visites gratuites au Musée des beaux-arts de Montréal. Hélène Boyer, vice-présidente des MFDC l’explique de la façon suivante « Nous sécrétons des hormones lorsque nous visitons un musée et ces hormones sont responsables de notre bien-être. (...) Quand on regarde une œuvre d’art, notre attention est portée sur l’œuvre et on oublie nos souffrances et nos anxiétés ».
Parler des relations entre l’art et la santé mentale d’un individu nous amène inévitablement à nous pencher sur la genèse de l’art brut. Cette branche de l’art naît à la seconde moitié du XIXe siècle, période marquée par un intérêt croissant de la société pour les réalisations artistiques des personnes en marge. Le corps médical remarque dès lors l’existence d’interactions fortes entre leurs patients atteints de troubles mentaux et la nécessité d’expression artistique qui les anime. Le peintre Jean Dubuffet désigne dès lors L’art Brut comme « à la fois l’art des fous et celui de marginaux de toutes sortes ». Un art que l’on perçoit uniquement dans les créations d’aliénés, de prisonniers, ou de personnes jugées excentriques, seules, ou simplement autodidactes. L’art brut est cet art vif, dénué de toute prétention culturelle, intellectuelle ou artistique. Un art personnel et intime, qui ne vise en aucun cas à guérir son auteur, mais qui, comme un besoin vital, accompagne simplement son quotidien.
L’art-thérapie
Une autre exemple intéressant de réparation psychologique par l’art a été constaté grâce au travail élaboré par Christine Dietsch, infirmière, art-thérapeute, et Pascale Amiel-Masse, psychologue. En permettant à deux patients d’un centre médico-psychologique de réaliser une fresque sur l’un des murs de l'hôpital, ces deux femmes expliquent tout au long d’un rapport clinique, comment l’investissement créatif et la collaboration artistique a progressivement amélioré leur appréhension du monde extérieur. Un exemple à suivre ?
La visite au musée autorisée à des fins thérapeutiques, Musée des beaux-arts de Montréal, Canada
En conclusion ?
Réponses psychosomatiques probantes, véritable instrument d’introspection ou catalyseur thérapeutique, l’art participe indéniablement au bien-être des hommes. Grâce à la pluralité d’interprétations et de sensations individuelles qu’il développe et transmet chez chacun d’entre nous, l’art incarne un auxiliaire de rééducation. Arts visuels, art de la scène, musique et tant d’autres disciplines sont des remèdes avérés contre la solitude, la timidité, le mal-être, la maladie et contribuent à diffuser un sentiment de bien-être à tout un chacun. Raison de plus pour laisser s’exprimer votre âme d’artiste !