Le marché mondial de l'art est un secteur en pleine expansion. Cependant, à mesure qu'il se développe et évolue, il devient de plus en plus vulnérable face aux activités criminelles. En particulier, la forte volatilité du prix des œuvres, l’appétence pour l’anonymat des transactions, et le transfert des pièces le rendent très attrayant pour les blanchisseurs d'argent. Face à la prolifération des crimes, les gouvernements du monde entier ont commencé à encadrer les transactions d'œuvres d'art afin de prévenir les cas de fraude et de tromperie. Dans cet article, Artsper explore la menace que pose le blanchiment d'argent, la manière dont il est pratiqué et la façon dont vous pouvez éviter les conséquences graves qui pourraient survenir si vous étiez impliqué dans une telle activité - que vous en soyez conscient ou non.
Comprendre le contexte du blanchiment d’argent
Sanuj Birla, Money Bag sculpture Blue, 2019 © Artsper
Bien que l'existence du blanchiment d'argent soit connue de tous, rares sont ceux qui savent exactement ce qu'implique cette pratique. En termes techniques, cela recouvre deux réalités. Il peut s'agir de faciliter la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit. Mais cela peut être aussi la participation à l’une des trois étapes d’une opération de blanchiment d’argent sale : Premièrement, l’injection des fonds d’origine criminelle dans le circuit économique et financier ; ensuite, leur dissimulation (en les convertissant, en les déplaçant, ou en les dispersant) ; puis enfin leur conversion, en les réintroduisant dans des activités légales.
Mais comment cela fonctionne-t-il sur le marché de l'art ? Violette Taquet, la fondatrice d'Eunomart et spécialiste de la question nous a expliqué cette pratique.
Les organisations terroristes ou criminelles se financent en partie grâce à l’argent blanchi sur le marché de l’art, car certaines galeries ou maisons de ventes acceptent encore du cash ou des paiements étrangers sans se demander si c’est de l’argent propre ou s’il a servi à acheter des armes. Elles peuvent aussi se financer grâce aux pillages d’artefacts dans les pays en guerre et réintroduits grâce à certains autres marchands non regardants sur la provenance des œuvres.
Les œuvres peuvent également être achetées par des sociétés écrans et revendues à des prix exagérés, ce qui permet de blanchir des fonds illégaux en guise de bénéfices. Les multiples possibilités de blanchiment d’argent sont un problème répandu dans le marché de l’art, bien plus que les professionnels l'imaginent.
Selon l’UNESCO, le marché de l’art est la troisième source de financement du terrorisme après les armes et la drogue.
Une répression mondiale
Samuel Maita, Global Parasite, 2015 © Artsper
Partout dans le monde, les États ont introduit de nouvelles législations pour lutter contre les activités illégales, comme le blanchiment d'argent, sur le marché de l'art. Le Groupe d'action financière "GAFI", dont le siège se situe à Paris, est le laboratoire mondial par excellence pour les normes de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Il se déploie sur plus de 200 pays et juridictions et a publié en février 2023 un rapport sur le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme sur le marché de l’art.
L’opacité du marché de l’art a trop longtemps profité aux organisations criminelles, c’est pourquoi le GAFI a décidé d’assujettir tous les secteurs de biens de collections et du luxe à la lutte anti-blanchiment (cette réglementation était initialement dédiée aux banques et institutions financières).
De telles mesures constituent une avancée majeure dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, et d'autres délits financiers dans le monde de l'art. Toutefois, la répression du blanchiment d'argent peut avoir plusieurs conséquences négatives pour vous, en tant que galerie ou artiste, en particulier lorsque vous vendez des œuvres d'art de grande valeur. Au Royaume-Uni, le HMRC, l'agence fiscale britannique, a commencé à infliger des amendes aux acteurs du marché de l'art qui ne se sont pas enregistrés en tant que tels. Qu'en est-il pour les professionnels en France ?
Les conséquences pour les galeries qui n'auraient pas mis en œuvre ces obligations sont lourdes. Les sanctions montent jusqu’à 5 millions d’euros d’amende, une interdiction d’exercer, et une sanction de réputation dans les médias.
Lorsque de l'argent est blanchi par le biais de transactions sur le marché de l'art, toutes les personnes impliquées (même involontairement) doivent faire face à des conséquences. Cela signifie qu’en tant que professionnel du marché, vous devriez y prêter autant d’attention et vous en protéger avec autant de précautions que pour tout autre drame ou crime qui pourrait ruiner vos affaires.
Comment puis-je reconnaître les transactions frauduleuses ?
La législation anti-blanchiment devient plus stricte dans le monde entier © Unsplash
La seule façon pour les artistes et les galeries d'empêcher une transaction frauduleuse est d'adopter des politiques et des procédures solides de lutte contre le blanchiment d'argent et d'anticiper les risques. Ces politiques doivent inclure la mise en œuvre d'une diligence raisonnable à l'égard des clients potentiels, la vérification de la source des fonds et la surveillance des transactions pour détecter toute activité suspecte. L’obligation de vigilance qui pèse sur les marchands d’art est définie par le code monétaire et financier et sont précisées par des lignes directrices des Douanes.
Le code monétaire et financier définit chaque question à se poser, et à quel moment se les poser pour déterminer un niveau de risque. Il y a des pays à risque, des activités professionnelles à risque, des comportements à risque, le tout est de comprendre le niveau de vigilance à mettre en place et d’identifier ces points à risque pour adapter son analyse et remplir ses obligations.
Qu'est-ce que cela signifie concrètement ?
Pour exemple, si votre client est une personne politiquement exposée, il faudra mettre en place des mesures de vigilance complémentaires, et approfondir la connaissance de ce client.
Si après cette analyse (obligatoire et imposée par la loi), le professionnel repère un risque de blanchiment, il a l’obligation de transmettre l'information à Tracfin (cellule de renseignements financiers) via une déclaration de soupçons.
La lutte anti-blanchiment impose aux professionnels de l’art (galeries, maisons de ventes, antiquaires, etc.) un travail de recherche sur la provenance de l'œuvre, mais aussi un travail d’analyse sur le client qui achète cette dernière.
Et si j'ai besoin d'aide ?
Un débat à l'École du Louvre sur le blanchiment d'argent dans le marché de l'art © Eunomart
Entre 2019 et 2020, Tracfin, cellule de renseignement financier, a constaté une augmentation de 120% des déclarations de soupçon concernant les personnes qui vendent des biens précieux et des objets d'art. Cette statistique suggère que les lignes directrices sont suffisantes pour identifier les transactions douteuses. Mais si les règles et réglementations vous semblent toujours trop complexes, Eunomart existe pour vous assurer facilité et tranquillité d'esprit.
Eunomart, c’est le premier logiciel qui automatise et centralise toutes ces démarches obligatoires. Vous créez votre compte en ligne et vous vous laissez guider. Un nouveau client à analyser ? Nous vous posons les bonnes questions, collectons certaines informations pour vous, et vous délivrons le diagnostic risque (selon de code monétaire et financier).
Il y a de nombreux avantages à utiliser une plateforme comme Eunomart pour s'assurer que vous respectez les exigences légales en matière de transparence du marché de l'art.
L’avantage, c’est que les professionnels peuvent être sereins en cas de contrôle par les douanes, car tous les dossiers sont centralisés dans un seul outil qui s’engage sur la conformité légale de ceux- ci.
Avec des directives strictes et des conséquences sévères pour les galeries et les professionnels qui ne s'y conforment pas, Eunomart peut être une ressource clé pour vous.
Une responsabilité partagée
Que vous fassiez appel à un tiers ou que vous fassiez preuve de diligence individuelle, vous restez responsable pénalement et civilement pour toutes les transactions que vous faites. Il est donc essentiel que vous restiez vigilant dans le traitement des transactions d'œuvres d'art. L'intégration de ces obligations juridiques dans les pratiques du marché de l'art contribuera à limiter les organisations criminelles, à lutter contre les activités frauduleuses et à vous protéger en tant qu'artiste ou galerie. Dans la lutte pour créer un marché de l'art plus transparent et plus fiable, l’action collective est la seule voie d’avenir. Et vous, quelles actions pensez-vous pouvoir mettre en œuvre pour vous protéger du blanchiment d'argent et de ses conséquences ?