Quelles sont les caractéristiques de Playground Detroit et comment la galerie est- elle devenue ce qu'elle est aujourd'hui ?
PLAYGROUND DETROIT est une galerie d'art contemporain et une agence de talents créatifs, dédiée aux artistes émergents et située à Détroit dans le Michigan. Elle a été fondée par Paulina Petkoski et Samantha Bankle Schefman en 2012. Notre mission est de créer des opportunités pour les artistes afin de soutenir et de développer l'économie créative de Détroit.
En 2017, la galerie a ouvert son premier espace au 2845 Gratiot Avenue dans le quartier McDougall-Hunt, puis un deuxième espace dans le quartier des affaires du centre-ville de Détroit en 2020. Avant que la galerie ne dispose de son propre emplacement physique, nous avons accueilli des expositions et des événements dans divers lieux de Détroit et de New York, où la société avait été imaginée avant de s'installer à Détroit en 2015.
PLAYGROUND DETROIT met en valeur les meilleurs talents artistiques et fournit aux artistes des services professionnels tels que la vente d'œuvres d'art, la gestion de projets et d’autres initiatives spéciales. Notre travail permet de soutenir un large éventail d'artistes et d'inspirer la prochaine génération de talents grâce à des partenariats et des programmes d’échange. Nous valorisons la créativité tout en ayant un impact positif sur l'économie créative et le dynamisme de la ville.
Les fondatrices, Paulina Petkoski (à gauche) et Samantha B Schefman (à droite), crédit photo : Josh Scott
Le paysage artistique de Détroit a-t-il changé depuis la conception de la galerie ? Comment imaginez-vous son évolution dans les années à venir ?
Au cours de la dernière décennie, le paysage artistique de Détroit a mûri et a attiré l'attention de la presse et de la région métropolitaine de Détroit. Les générations précédentes de street artistes ont ouvert la voie aux muralistes contemporains. Les fresques murales et l'art public sont omniprésents sur les bâtiments du centre-ville et de nombreux quartiers de la ville.
La nouvelle garde d'artistes de Détroit trouve enfin l'attention et le soutien qu'elle mérite. De nombreux artistes avec lesquels nous travaillons exposent désormais dans des musées et des galeries à l'étranger. Leur carrière a évolué en dehors de la scène très fermée sur laquelle ils se sont développés.
Comment la ville même de Détroit influence-t-elle votre philosophie et vos aspirations ?
Détroit est notre principale source d'inspiration. C'est une ville fondée sur le talent, le travail, l'innovation et l'ingéniosité. On y trouve une forte éthique du « DIY » (« do it yourself »). Vous entendrez souvent le mot « grit » pour décrire les gens qui vivent ici. C'est une ville très authentique, où la collaboration et la communauté sont des moteurs de changement depuis quelques décennies. Le résultat de cette évolution est ce que les gens voient aujourd'hui lorsqu'ils viennent nous rendre visite.
À son apogée, la ville était surnommée « le Paris du Midwest », et nous aspirons à conserver ce titre. Avec tous ses talents contemporains (artistes, designers et musiciens), ainsi que l'ouverture de nouveaux restaurants, bars, salles de spectacle et galeries, nous espérons rivaliser avec les industries créatives de New York, Brooklyn ou Los Angeles. Detroit offre de l’espace et du temps, ce que beaucoup d’autres villes n’ont pas, en plus de l'augmentation des loyers et des marchés du travail compétitifs.
Vue de l'extérieur de la Galerie PLAYGROUND DETROIT, crédit photo : Leah Castille
Quel est votre processus de sélection pour les artistes que vous représentez ?
Nous travaillons avec des artistes qui ont un talent sérieux, une perspective unique, de la motivation personnelle et de l’ambition, ce qui va propulser leur créativité et leur carrière. En général, les artistes que nous présentons organisent souvent leur première exposition solo à la galerie, ce qui leur permet de lancer les prochaines étapes de leur carrière. Nombre d'entre eux sont des diplômés récents. Ils sortent d'institutions telles que le College for Creative Studies de Détroit et la Cranbrook Academy of Art de Bloomfield Hills, dans le Michigan, qui ont toutes deux produit de nombreuses générations d'artistes.
Les artistes nous approchent souvent avec des idées d'exposition et nous continuons à cultiver des relations avec eux au début de leur pratique afin de leur fournir les conseils et les connexions nécessaires pour réussir au mieux. En 2019, la galerie a reçu une subvention importante de la Knight Foundation pour faciliter un programme de bourses pluriannuelles qui attribuent à 20 artistes un financement de 40 000 $ pour organiser des expositions solo et bénéficier d’un mentorat professionnel. Nous sommes impatients de travailler avec la prochaine série de dix artistes tout au long de 2022 et à l’avenir.
Playground Detroit dispose d'un magazine en ligne. Qu'est-ce qui vous a motivé à créer ce canal de communication ? Quel impact a-t-il eu sur votre visibilité en ligne ?
Lorsque la plateforme et le site web ont été créés il y a dix ans, il était très important pour nous d'avoir une présence en ligne et un magazine. À l'époque, l'actualité nationale et les médias grand public ne parlaient que de la faillite de la ville. L'objectif de notre blog était donc de faire contrepoids et de partager une autre facette de l'actualité et de la culture locale.
Nous l'utilisons également pour promouvoir et partager les expositions et notre programmation artistique afin de toucher un public plus large. Il y a dix ans, les médias sociaux étaient moins utilisés et Instagram venait d'être lancé. Le blog continue d'être une ressource pour les curieux de Détroit, pour partager des informations et toucher des personnes partout dans le monde.
Avec des articles qui s'étalent sur une décennie, le magazine sert de journal et de carnet de bord permanent pour les personnes et événements qui contribuent à la communauté créative. Il est important de documenter ces projets, notamment parce que, contrairement à New York ou Los Angeles, peu de médias s'intéressent à la scène culturelle de Détroit.
Dream Sequence, exposition d'Patrick Ethen, juin 2021, crédit photo : Leah Castile
Vos valeurs fondamentales sont l'accessibilité, la communauté, l'intégrité et la relation. Comment influencent-elles vos initiatives professionnelles ?
Nos valeurs fondamentales guident la vision à long terme de PLAYGROUND DETROIT et la manière dont nous envisageons nos actions. Il est essentiel que la galerie elle-même soit accessible à la fois aux résidents du quartier et aux visiteurs, et qu'elle soit un lieu où la communauté peut se rassembler.
Les artistes font partie intégrante de notre activité. Nous les traitons avec respect et travaillons souvent à leurs côtés, non seulement en tant que galeristes, mais aussi en tant que mentors, voire en tant qu'amis et pairs, en établissant des relations de long terme avec des particuliers et d'autres organisations partageant les mêmes idées. Contrairement aux modèles de galeries traditionnelles, nous considérons la galerie comme une entreprise sociale et les artistes reçoivent plus que la part standard de 50% des ventes.
Par exemple, nous avons collaboré avec la marque de vêtements Detroit Hustles Harder au profit de l’ONG Downtown Boxing Gym, offrant un accompagnement scolaire et sportif gratuit pour les étudiants de Detroit. D’ailleurs, le taux de réussite au baccalauréat est de 100 % depuis 2007. Nous avons choisi l'artiste, designer, leader communautaire et activiste Tony Whlgn pour créer une œuvre d'art originale en édition limitée sur une veste, dont tous les bénéfices seront reversés. Cette veste a également été vendue dans notre magasin.
Même les jeunes artistes en herbe que nous engageons pour travailler à la galerie acquièrent une expérience, qui les pousse à dépasser leur premier poste et les aide à atteindre leurs objectifs de carrière à long terme dans le secteur artistique.
Le Covid-19 a influencé une évolution remarquable du marché de l'art vers une présence en ligne plus forte. Comment les ventes en ligne peuvent-elles soutenir les galeries, surtout en ces temps difficiles ?
Les ventes en ligne ont été très importantes pour nous ces dernières années, et encore plus pendant la pandémie. Nous avons enregistré des ventes d'œuvres d'art de la part de collectionneurs venant de Chine et de tous les États-Unis. Le marché de l'art de Détroit n'est pas aussi solide que celui d'autres villes comme New York ou Miami, il est donc essentiel, dans le cadre de notre mission, de faire connaître les talents d'ici.
L'idée de mixer une présence en ligne avec une présence physique a toujours fait partie de notre plateforme. La possibilité d'interagir avec les collectionneurs à la fois en ligne et en personne permet une expérience omnicanale qui, selon nous, est essentielle pour l'avenir du monde de l'art.
I Feel Like I’ve been here before, novembre 2021, exposition de Bakpak Durden, crédit photo : Samantha’s List
Vous avez récemment rejoint Artsper, qu'est-ce qui vous a encouragé à prendre cette décision ? Et quels sont les principaux avantages que vous avez constatés jusqu'à présent ?
Lorsque nous avons été récemment invités à rejoindre Artsper, nous avons été ravis de pouvoir nous rapprocher d'un public mondial et européen. Nous savons déjà que Détroit est mondialement connue pour sa musique électronique et Motown, son architecture et bien d'autres choses encore - et nous sommes maintenant prêts à partager ses artistes visuels et son talent.
Artsper aide à mettre en relation les collectionneurs avec nos artistes par le biais de collections et de thèmes, qui sont uniques pour quiconque recherche des œuvres d'art et ayant besoin d'un peu d'inspiration supplémentaire. Grâce à ses partenariats en ligne et internationaux, nous renforçons notre réseau et notre communauté.