Acteurs majeurs du marché de l’art, les collectionneurs jouent un rôle significatif sur la santé de l'écosystème artistique contemporain. Bon nombre d’idées reçues circulent sur leurs motivations, et vont parfois jusqu’à questionner la sincérité même de leur attrait pour l’art. L’opinion commune s’accorde d’ailleurs autour de l’existence d’un « profil-type » de collectionneur d’art : un individu masculin, de plus de 50 ans, avec un fort pouvoir d’achat. Et pourtant, les motivations qui animent les collectionneurs d’art sont diversifiées, évolutives et complexes, rendant pratiquement impossible leur classification au sein d’une catégorie particulière et prédéfinie.
En tant que galeriste, comprendre les leviers de vos acheteurs est indispensable pour mieux vous adapter à leurs besoins. Quelles sont les motivations principales qui animent les collectionneurs d’aujourd’hui ? Dans un contexte de pluralité de réflexions et de motivations, peut-on réellement prétendre à l’existence d’un profil unique ? Découvrez avec Artsper tout ce que vous devez connaître sur ces acteurs de l’ombre !
Musée d'art moderne Solomon R. Guggenheim, New York, États-Uni
Démystifier les idées reçues
Les collectionneurs d’art contemporain appartiennent tous à une élite
Souvent caricaturés comme éminemment riches, les collectionneurs d’art contemporain sont sujets à de nombreux stéréotypes. S’il est vrai que selon une étude publiée par le Ministère de la Culture en 2016, 75% d’entre eux sont effectivement des hommes aisés, de plus de 50 ans, avec un haut niveau d’études, il n’en demeure pas moins que les 25% restants disposent d’un budget beaucoup plus modeste. Ils contribuent néanmoins au même titre que leurs homologues au dynamisme du marché de l’art. Ces collectionneurs sont avant tout des passionnés qui établissent un budget prédéfini pour chaque acquisition. Ils font le choix réfléchi d’investir et de placer leur argent dans une œuvre qui signifie quelque chose pour eux. D’ailleurs, les collectionneurs avec un budget très élevé ne sont pas majoritaires. Seulement 16% dépensent une somme supérieure à 50 000€ par an, contre 30% qui ne dépassent pas la barre des 5 000€.
Les collectionneurs d’art contemporain achètent uniquement pour enrichir leur patrimoine financier
Acheter une œuvre n’est pas forcément un investissement financier. En effet, il est commun de penser que le collectionneur est en priorité intéressé par le capital financier d’une œuvre. Et pourtant, le premier rôle de l’art s’inscrit dans la transmission d’une émotion, dans la communication qui s'établit entre le passionné et l’œuvre. Il ne s’agit pas toujours d’une démarche financière. En général, la décision d’achat est motivée par une démarche affective.
D’ailleurs, chez Artsper, nous ne mettons pas en avant les œuvres en fonction de leur intérêt financier mais privilégions la qualité et la diversité au sein de nos collections. Seuls certains acheteurs disposent de l’expertise et du portefeuille nécessaires, pour considérer l’art comme un investissement. La majorité fonctionne avant tout au coup de cœur.
Les collectionneurs achètent et accumulent de façon compulsive
Nous avons souvent en tête cette perception du collectionneur comme un possesseur. Avide d’art, il satisfait par l’achat son besoin insatiable de posséder toujours plus. Mais la plupart du temps, collectionner des œuvres d’art dépasse cette démarche matérialiste ! Un collectionneur est avant toute chose un passionné. Certes, il est désireux de satisfaire son appétit pour l’art, mais il voit au delà de l’objet en lui-même. Il ne s’agit pas simplement de l’achat d’un bien, mais plutôt de la rencontre entre un passionné et le travail d’un artiste.
Les collectionneurs réguliers passent un temps conséquent à se renseigner sur les nouvelles œuvres de leurs artistes préférés, à écumer les foires et les galeries, à rencontrer de nouveaux artistes… Pour un collectionneur, chaque œuvre compte, chacune d’entre elles est unique et singulière. À quelques exceptions, l’achat n’est jamais frénétique, mais bien le fruit d’une démarche réfléchie et consciencieuse. Ainsi, à vous de multiplier les occasions de rencontrer vos acheteurs et de mettre tout en œuvre pour leur fournir le maximum d’informations possibles.
Comprendre les motivations actuelles des collectionneurs d’art contemporain
Guidés par des motivations plurielles et interdépendantes, les collectionneurs contribuent à différentes échelles, mais de façon complémentaire, au dynamisme de la création artistique. C’est grâce à la pluralité de leurs réflexions et de leurs choix que l’art contemporain regorge d’une si grande diversité. Chaque motivation ou démarche s’explique et est légitime. En la comprenant, vous serez en mesure de transformer vos visiteurs en acheteurs.
Priorité à la création ou au créateur ?
Certains collectionneurs cherchent en priorité à développer une relation « collectionneur-œuvre », un lien entre l’acheteur et l'objet d’art qu’il achète. Dans ce cas, l’œuvre en question est plus important que l’artiste et il s’agit souvent d’un achat « coup de cœur ».
D’autres, considèrent le travail humain derrière l’œuvre comme motif déclencheur de l’achat, et non la création en tant que telle. Ce type de collectionneur est majoritaire ! Celui-ci développe ainsi une réflexion plus poussée, réciproque et globale : une relation « collectionneur-artiste ». Près des trois quarts des collectionneurs font d’ailleurs la démarche de rencontrer les artistes dont ils ont acheté les œuvres.
Du mécénat moderne ?
Certains collectionneurs d’art peuvent s’apparenter à des mécènes : ils soutiennent et accompagnent l’artiste tout au long de sa carrière. L’argent et la notoriété constituent alors des leviers considérables pour propulser un artiste sur le devant de la scène artistique. Via l’achat de ses œuvres, le collectionneur d’art aide à la création et devient un réel acteur de promotion. Souvent, les grands collectionneurs prennent sous leurs ailes un artiste dont le message, la démarche et la sensibilité artistique les touchent.
Au delà de l’œuvre, un collectionneur investit dans un potentiel, un capital créatif. Dans ce cas, n’hésitez pas à accompagner sa démarche, à lui communiquer toutes les nouvelles créations de son artiste préféré et à lui indiquer comment il peut aider à la longévité de sa carrière. Vous pouvez également anticiper ce phénomène, en mettant en relation un nouvel artiste et un collectionneur susceptible d’apprécier son travail. Repérez parmi vos clients les collectionneurs prêts à contribuer à la création, et accompagnez-les dans leur démarche de soutien, même s’ils préfèrent rester dans l’ombre.
Un engagement altruiste ?
Au delà de la relation sentimentale que développe un collectionneur d’art avec l’œuvre qu’il acquiert, il existe une dimension parallèle, plus philanthropique : la relation humaine qui s’installe avec l’artiste. Dans l’ouvrage “Collectionneurs d’art contemporain”, Nathalie Moureau et deux autres des co-auteurs mènent une étude sur un échantillon de 320 personnes. Ils remarquent qu’un nombre significatif de collectionneurs développe une relation de soutien envers l’artiste et son travail. Peu importe leur capacité financière, ce sont souvent les collectionneurs avec des moyens restreints qui vont se démener pour aider les jeunes artistes à étendre leur visibilité. Ces collectionneurs investis font d’ailleurs partie des 25% des collectionneurs au budget modeste que vous devez absolument conquérir.
Particulièrement à l’aise avec les réseaux sociaux, ils apprécient les galeries qui osent sortir des sentiers battus. Proposez leur en priorité des artistes émergents et nouveaux talents internationaux, avec une vraie histoire et choisis avec soin.
L’art comme distinction sociale ?
L’achat d’œuvre d’art est perçu par certains collectionneurs comme un facteur d’élévation sociale. Le prix de l’œuvre vient définir sa valeur, elle permet au collectionneur de se sentir privilégié et de se distinguer d’un groupe d’individus. Le terme de « distinction sociale » ne doit pas être perçu comme péjoratif. Une démarche plus altruiste peut à terme, émerger inconsciemment depuis une recherche de distinction sociale ! Dans ce cas, le collectionneur mise sur un artiste uniquement s’il dégage un potentiel prometteur et une notoriété dans le marché de l’art.
Pour séduire ce profil-type, mettez à profit votre excellence en terme de connaissance des cotes des artistes. N’hésitez pas à miser sur les nouveaux artistes à la mode, ou ceux très remarqués dans les foires, pour attirer l’attention de ces collectionneurs.
En conclusion, la difficulté à cerner les collectionneurs d’art réside dans la complexité et le pluralisme de leur motivations. De fait, il n’existe pas un seul profil, mais des milliers de profils de collectionneurs. En outre, chaque collectionneur peut se retrouver dans plusieurs profils. Selon une étude menée par Larry’s List dans plus de 70 pays, il existerait plus de 3 000 profils de collectionneurs ! Voilà qui vient confirmer la fin de l’ère du « profil-type »...
D’autant plus que de nouvelles motivations et habitudes émergent, apportant avec elles, un vent de fraîcheur parmi les collectionneurs. Les motivations évoquées ci-dessus restent cependant parmi les plus répandues. Elles vous permettent notamment de classer votre cible en plusieurs segments. En effet, un collectionneur mécène n’aura pas les mêmes envies qu’un collectionneur voyant l’art comme une distinction sociale. Lui-même n’aura pas du tout les mêmes critères qu’un jeune collectionneur désireux de soutenir la cause des artistes ! Une fois ces grandes catégories remplies, à vous maintenant d’adapter votre stratégie de communication, pour mieux vous adresser à chacune de vos cibles.