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Art numérique : quel constat en cette fin 2021 ?

30 novembre 2021

Art numérique, art digital, crypto-art, NFT… Alors que la facette virtuelle de l’art prend de plus en plus de place dans le monde, les termes se bousculent et s’entrechoquent jusqu’à devenir confus. Aujourd’hui, l’art digital prend de l’ampleur - non seulement du côté des artistes, mais aussi dans l’intérêt des collectionneurs. Déjà sur sa lancée avec la digitalisation du quotidien, il a vécu une croissance exponentielle avec la crise du covid-19, et dope les résultats sans précédent du marché de l'art contemporain. Artprice rapporte d’ailleurs que les œuvres digitales en NFT représentent 2% du marché global en 2021 (Source : Le rapport du marché de l’art en 2021). Alors aujourd’hui, Artsper reprend ce sujet quelque peu controversé afin d’en éclaircir les milles facettes.

Le digital, mené par les NFT, occupe 5% du produit mondial des ventes d’art contemporain en 2020-2021

Art numérique : comprendre le contexte

L’art numérique rassemble tout type d’art qui est construit à l’aide d’outils de technologie digitale. Cela peut varier d'une photographie retouchée à une installation de plusieurs mètres comprenant divers écrans, telle que celles popularisées par le célèbre Nam June Paik. L'art numérique englobe également les arts graphiques générés par ordinateur, comme les maquettes 3D, simulations vidéo, ou encore des GIFs.

Dans les dernières décennies, les œuvres digitales ont pris leur place dans le marché aux côtés des formats plus traditionnels. En grande partie, on retrouve des compositions retouchées comme les paysages des artistes Cajuca et Alex Branicki qui sont proposées sur Artsper. Mais l’art numérique ne concerne pas que les jeunes artistes : David Hockney peint lui-même avec son iPad, et a notamment créé toute une série d’œuvres de cette façon en Normandie pendant le confinement.

L'impressionnante fresque A Year in Normandy, créée avec des outils digitaux qui ont permis à l'artiste de dessiner plus librement. Ici, elle est exposée au Musée de l'Orangerie à Paris.

© David Hockney

Les réseaux, un incroyable levier pour l'art digital

Alors que notre vie quotidienne est désormais dépendante de la technologie, il semble naturel que les arts numériques grandissent en nombre et suscitent un intérêt croissant. Sur Instagram, les comptes d’art digital se mutiplient : @behance et @visual.fodder, par exemple, postent des créations d’artistes différents chaque jour. Et les amateurs sont nombreux : ces deux comptes sont suivis par respectivement 1,8 million et 745 000 amateurs venant du monde entier.

Ces followers ne sont pas tous des grands connaisseurs - nombre d’entre eux, en tant qu'utilisateurs d'Instagram, apprécient tout simplement une image originale. Et les visuels présentés sont d’une créativité sans limites, nécessitant tout autant de talent et de travail que n’importe quel genre artistique traditionnel. 

Un des posts Instagram du compte @behance, une composition digitale futuriste créée par un artiste britannique

La difficulté des définitions

Tout comme l'œuvre Fontaine de Duchamp avait alimenté les débats pour les œuvres tangibles, il est difficile aujourd’hui de définir ce qui est ou non une œuvre d’art dans le digital. Lorsqu’il s’agit de versions virtuelles d’œuvres d’art physiques, le constat est simple. Mais les choses se compliquent pour les créations nées digitales et auxquelles aucun support physique ne vient s’associer... 

Aujourd’hui, une œuvre virtuelle peut être achetée et vendue comme une huile sur toile, et l’infrastructure institutionnelle qui qualifie habituellement les cotes des artistes (galeries, maisons de vente, musées…) n’est pas exactement établie dans le milieu. L’achat du GIF Nyan Cat pour plus de 500 000 dollars prouve bien qu’il existe un grand intérêt pour la possession de créations digitales qui sont pourtant utilisables - et utilisées - librement partout sur internet. Mais en ce qui concerne les règles attendues dans le marché de l’art, le domaine digital s’apparente pour l’instant plutôt au Far West qu’à une industrie stratifiée.

Nyan Cat, icône des premières heures de YouTube, a désormais un propriétaire

Cryptomonnaies et NFT : de nouvelles perspectives

Le GIF Nyan Cat, qu’il soit considéré ou non comme une œuvre d’art, n’est qu’un exemple parmi d’autres de créations digitales qui se vendent aujourd’hui sous forme de NFT (jetons non fongibles). Si cet acronyme fait beaucoup parler de lui aujourd’hui, c’est parce qu’il apporte la promesse d’avantages considérables. Tout d’abord, la technologie de la blockchain avec laquelle les NFT fonctionnent, permet la garantie d’authenticité via une sécurisation totale des données. Cela veut dire que si - et seulement si - les informations inscrites sont véridiques, le risque de fraude est considérablement amoindri et les artistes peuvent bénéficient d’une rémunération plus juste sur le long terme.

Mais on entend beaucoup parler des NFT aussi parce qu’ils viennent bousculer un ordre établi. Au lieu de dédier plusieurs années de travail à se faire repérer en galerie ou sur Instagram, les artistes peuvent vendre leurs œuvres en quelques minutes sous forme de NFT. Autonomie, contrôle, rémunération… Les avantages de ce système laissent imaginer que de nombreux créateurs indépendants pourraient être tentés. Du côté des acheteurs, également, les choses sont sujettes au changement : tout le monde peut acheter de l’art, bien plus facilement que dans le monde physique.

Crypto-art : le côté obscur

Le mécanisme a l’air déjà bien huilé, mais il manque certains rouages importants. En premier, les barrières à l’entrée : si en principe l’achat d’un NFT est très simple, il nécessite une certaine connaissance du jargon, du concept des cryptomonnaies et du fonctionnement basique de la technologie. Ensuite, il n’existe pas encore de méthode satisfaisante pour exposer ses œuvres. Les collectionneurs d’œuvres digitales conservent ces dernières dans leur porte-monnaie virtuel, mais ne peuvent pas en profiter de la même façon qu’une œuvre physique, à moins de dépenser des sommes conséquentes sur des infrastructures personnalisées. Enfin, la blockchain et les cryptomonnaies ont généralement un impact notable sur l’environnement, et il est conseillé aujourd'hui d'être accompagné par des experts pour faire des choix responsables. Tous ces problèmes peuvent trouver des solutions dans le futur, mais ne restent pas moins de barrières à l'entrée aux frileux du changement et aux non-initiés. 

L'image de brochure du programme Digital Artistic Direction à l'Institut Marangoni, grande école milanaise de design

© Istituto Marangoni

Tendance montante ou raz-de-marée ?

En ce qui concerne les NFT, le constat semble donc être le suivant : ceux qui les adoptent constituent une nouvelle catégorie de collectionneurs qui croît chaque jour… Et parmi ceux qui y sont réticents existent beaucoup de potentiels futurs acheteurs, qui pourraient s’y mettre si les conditions d'accès étaient simplifiées. 

Aussi les institutions ont tout intérêt à se mettre à la page. Et elles s’y adonnent déjà ! Sotheby’s, par exemple, a ouvert sa propre plateforme consacrée aux NFT, proposant désormais 2 ventes annelles. La galerie Imperial Art propose en décembre une vente hybride comprenant les premières œuvres napoléoniennes proposées sous forme de NFT. Du côté patrimonial, le musée russe de l’Ermitage a vendu cette année des versions NFT de chefs d’œuvre de l’histoire, de Da Vinci à Kandinsky. Et le British Museum, quant à lui, a mis en vente des milliers d’exemplaires numériques d’œuvres de l'artiste japonais Hokusai cet automne. Chaque semaine voit son lot de nouvelles initiatives plus innovantes les unes que les autres : le marché semble être entraîné dans une véritable course aux NFT.

Alors...

... Les NFT sont-ils le futur ? S’ils sont toujours obscurs pour la majorité des acteurs du marché, ils se sont certainement frayés un chemin dans les discours et les pratiques cette année. Avec des avantages prometteurs viennent aussi des inconvénients plus ou moins rédhibitoires… Et pour l’instant, le marché des NFT manque encore un peu de recul pour qu’il soit possible de s’en faire une idée concrète. Mais l’art numérique dans sa globalité, lui, n’est pas prêt de disparaître : les réseaux sociaux, online viewing rooms et autres outils digitaux ne font qu’améliorer un terrain déjà fertile au développement de nouvelles créations virtuelles. À l’approche de l’année 2022, le monde semble avoir les yeux rivés sur les écrans… Chez Artsper, en tout cas, nous surveillerons ces tendances avec intérêt. Et vous ?